Spring.

Je l’entends. Elle me parle. Elle est en moi.

Spring.

Je n’y tiens plus. Je crois que je vais le faire.
Je suis trop tenté. J’aime le vide.
Je regarde les suspensions du pont. Je touche le béton chaud. Il y a du soleil.

Spring. Erlöse dich !*

C’est ça ! C’est certain, j’en suis sûr. Je suis tombé amoureux de ce pont. J’y vais tous les jours. Pourquoi ne pas l’écouter quand il me parle ? Pourquoi ?, répétais-je en murmurant.
Je suis seul.

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Soudain, je verrai une foule. Elle sera énorme ! Tellement énorme…

Elle fondra tout droit vers moi ! Mais que me voudra-t-elle ? Pourquoi fera-t-elle cela ?! Elle me fera peur ! Je trébucherai en fuyant, je voudrai me lancer dans le vide ! Je sentirai ma fin proche, mais je serai mort en sautant de ce pont.

J’y renoncerai. Mais cette foule me voudra du mal, mon esprit me dira de la fuir, encore et toujours… De courir sans m’arrêter… Il me dira de sauter dans le vide pour n’y voir que de l’obscurité. Je les verrai de plus près. Ils auront un couteau à la main. Il y aura, tout derrière, une petit garçon. Il sera indécis, curieux. Il viendra juste voir.

Soudain, je me sentirai monter. Plus haut. Plus haut. Encore plus haut !, crierais-je. J’étendrai les bras comme si l’univers était à moi. Mais la foule se rapporchera quand même. Le stress montera en moi. Je crierai, de toutes mes forces. Ma gorge saignera tellement je cierai. Je gargariserai mon propre sang jusqu’à m’étouffer avec. La foule sera à mes pieds. Elle m’attendra.

Je ne serai qu’à une trentaine de centimètres d’elle. Le petit garçon ne cessera de me regarder.
Je lirai sur ses lèvres ces paroles muettes… Erlöse dich. Spring für mich…**
Je me rendrai seulement compte que le pont est désert. Cette foule n’existe pas. Si, elle existe !, criais-je à bout de souffle ! Elle est là !

Et ensuite, ce sera la fin. La fin de tout.


Je suis torse-nu. C’est pour ça que je sens ses mains froides me pousser. Je sens que l’impulsion n’est pas forte. Je devine que c’est le petit garçon. Je l’entends crier, et pourtant, aucun son ne sort de sa bouche. Il me hurle :

Spring
Erlöse dich
Spring
Spring ins licht
Enttaüsch mich nicht
Spring, spring für mich
Enttaüsch mich nicht…***

Je me sens tomber. Le vent siffle dans mes oreilles. J’entends cette foule imaginaire crier. Est-ce leur joie de me voir tomber ? L’enfant…J’entends une détonation. Le pont est très haut et je tombe lentement. Un corps me rattrape. Ils l’ont tué. Ils me voulaient. Il m’a sauvé.


En fait, j’ai sauté.

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